Accueil Patrimoine écrit / Pépite de la semaine #mercredipat
Vous pensiez que bibliothèques et archives ne conservaient que des livres et autres documents sur papier ou parchemin ?

Vous pensiez que bibliothèques et archives ne conservaient que des livres et autres documents sur papier ou parchemin ?

Objets insolites conservés dans les établissements de la région

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région -dans lesquelles on ne trouve pas que des livres, loin de là ! Cette semaine, place à l'insolite...

Nous vous proposons un petit panorama en 10 catégories de ces curiosités qui peuplent les magasins de conservation des établissements patrimoniaux, généralement à la surprise du grand public. 

[Le 27/10/2021]

 

1/ Catégorie "Révolutionnaire" : la BM de Châlons-en-Champagne conserve cet éventail réalisé en janvier 1789 à la gloire de Jacques Necker, ministre des finances de Louis XVI renvoyé en 1781, rappelé en 1788, renvoyé le 11 juillet 1789 et rappelé suite à la Prise de la Bastille. Il finira par démissionner définitivement en janvier 1790.

2/ Dans la catégorie "Viendra manger votre âme pendant votre sommeil", la BM de Metz Bibliothèques Médiathèques de Metz conserve cette poupée prénommée Bleuette (mais ne vous y fiez pas !) qui accompagnait la revue La Semaine de Suzette.

3/ Dans la catégorie "Intoxication alimentaire garantie", vous trouverez aux Archives départementales de la Marne un pain d'épices datant de 1933, scellé et déposé au conseil des prud'hommes de Reims (aujourd'hui ce serait à l'INPI) afin qu'il soit protégé de la contrefaçon.

4/ Dans la catégorie "Fait toujours son petit effet", deux globes, l'un terrestre et l'autre céleste, peuvent être admirés dans la grande salle de la Médiathèque Jacques-Chirac - Troyes. Ils sont l'œuvre de Willem Blaeu, célèbre cartographe néerlandais, et datent de 1640. Pour l'anecdote, un des deux globes porte la trace d'un boulet de canon reçu le 24 février 1814, alors que les combats faisaient rage à Troyes entre les troupes de #Napoléon et les forces coalisées. #mauvaisendroitmauvaismoment

5/ Catégorie "Indéterminé", aperçu à la Médiathèque Jeukens à Bar-le-Duc.

6/ Dans la catégorie "Histoire du livre", les bibliothèques conservent parfois des matrices d'estampes, objets assez rares. La Médiathèque Jacques-Chirac - Troyes dispose d'une riche collection de 780 bois gravés pour l'imprimerie #bibliothequebleue remontant au 15e s. pour les plus anciens.

7/ Dans la catégorie "Outils", on trouve dans certaines bibliothèques toute une gamme d'outils de reliure, comme ici de beaux fers à dorer conservés à la BM de Mulhouse Bibliothèques de Mulhouse

8/ Restons à Mulhouse pour 2 autres objets insolites qui illustrent la diversité des documents que l'on peut retrouver dans les fonds d'archives. Tout d'abord, le fonds Tony Troxler, poète en dialecte alsacien et dramaturge (1918-1998). Dans la catégorie "Au bal masqué ohé ohé", cet accessoire de théâtre.

9/ Ensuite, dans la catégorie "Objets personnels", ces lunettes ayant appartenu à René-Nicolas Ehni, écrivain et dramaturge né en 1935 à Eschentzwiller (Alsace) dont la bibliothèque de Mulhouse conserve un important fonds d'archives.

10/ Enfin, dans la catégorie "Valérie Damidot", vous pouvez trouver des exemples de papiers peints dans les collections. Les archives de l'usine de papiers peints Grantil, établie à Châlons en 1871, ont été déposées aux Archives départementales de la Marne, une première fois en 1971, et le reste en 2013, à la fermeture définitive de l'usine. Particularité du fonds Grantil, outre les documents habituels des archives d'entreprises (comptabilité, RH, administration), c'est qu'on y trouve une collection presque complète des papiers produits depuis les origines de l'entreprise.

Une somme encyclopédique des savoirs à la fin du Moyen Âge

Une somme encyclopédique des savoirs à la fin du Moyen Âge

le Margarita Philosophica de Gregor Reisch, 1503.

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, nous vous présentons une perle, ni plus ni moins.

[Le 20/10/2021]

L'ouvrage du jour, conservé à la Médiathèque Voyelles Ardenne Métropole, est un des plus anciens traités encyclopédiques imprimés en Occident. On le doit à Gregor Reisch, moine et érudit allemand lié aux grandes figures de l'humanisme rhénan, proche d'Erasme. Rédigé à la fin du XVe siècle et publié pour la première fois à Fribourg en 1503, cet ouvrage de scolastique tardive s'intitule Margarita philosophica -margarita en latin signifiant la perle. Il sera réédité une quinzaine de fois au XVIe siècle.

Pourquoi ce succès ?

-L'ouvrage est une synthèse encyclopédique des savoirs de l'époque, hérités de la tradition médiévale mais teintés de cet esprit d'ouverture intellectuelle qui caractérise l'humanisme. C'est un résumé que tout ce qu'un étudiant doit avoir lu durant son cursus.

-D'un format plus petit et maniable que le lourd folio, le livre devient un manuel de référence pour beaucoup d'étudiants en particulier dans le monde germanique. Il couvre tous les champs de l'éducation médiévale traditionnellement divisée en 2 catégories formant les 7 arts libéraux. D'un côté le trivium (grammaire latine, dialectique et rhétorique), de l'autre le quadrivium (arithmétique, musique, géométrie et astronomie). Reisch ajoute 5 autres matières relevant de la "philosophie naturelle": physique, histoire naturelle, physiologie, psychologie et éthique.

-Le traité se présente comme un dialogue entre un maître et son élève, choix narratif qui rend le propos plus vivant et plus didactique. Autre force de l'ouvrage, sa riche et attrayante iconographie qui vient rythmer le texte et rendre les concepts plus clairs.

Vous pouvez par exemple admirer ici une représentation de l'homme zodiacal, une figure symbolique que l'on retrouve souvent à la fin du Moyen Âge et qui associe différentes parties du corps aux signes du zodiaque (à vous de retrouver à quoi correspond votre signe!)

Pour terminer, deux détails de la reliure : des anciennes traces de marque-pages, ce qui n'est pas étonnant dans un livre qui servait de manuel, et l'ais de bois ainsi que les coutures des cahiers laissés apparents. L'usage du bois en reliure va décliner au début du XVIe siècle.

Facebook est mort, vive Facebook !

Facebook est mort, vive Facebook !

Le trombinoscope des membres de la Société académique de l'Aube à la fin du 19e siècle

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, Facebook est mort, vive Facebook !

[Le 06/10/2021]

Enfin comme nous causons patrimoine, il est question ici d'un "facebook" du 19e siècle. Plus précisément le trombinoscope des membres de la Société Académique de l'Aube. Fondée en 1798, cette société savante basée à Troyes propose à partir de 1863 à ses sociétaires de figurer dans un album photographique relié à l'ancienne et garni de fermoirs métalliques. Cette galerie de portraits offre au regard un éventail de figures de notables de l'époque. Historiens, artistes, militaires, hommes de lettres, ingénieurs, ecclésiastiques, propriétaires terriens... Certains sont tombés dans l'oubli, d'autres sont mieux connus des historiens, quelques uns évoquent aux Aubois des rues auxquelles ils ont donné leur nom.

Petit intermède #fashionweek : le barbier de ce monsieur n'était pas là pour plaisanter avec les favoris !

Charles Baltet était horticulteur pépiniériste, né à Troyes en 1830. Il a contribué significativement à la lutte contre le phylloxéra, cet insecte qui ravage les vignes. Sauver le champagne mérite bien cette petite coquetterie.

Les photographies exposées dans ces albums datent des années 1850-60, et sont d'un format qu'on appelle "carte de visite". Les portraits carte-de-visite, des tirages montés sur carte, apparaissent en 1854 en France sous l'impulsion notamment d'André Disdéri et rencontrent un immense succès, car de faible coût. En effet, Disdéri dépose le brevet d'une technique qui permet la réalisation de 8 clichés identiques de petit format sur la même plaque de verre. Il popularise son procédé auprès de la bourgeoisie en photographiant des personnalités de l'époque, dont l'empereur Napoléon III.

Pour l'anecdote, cette engouement se répand vite dans d'autres pays, et particulièrement aux Etats-Unis, alors en pleine Guerre de Sécession (1861-1865). Ce format peu coûteux et facilement transportable dans la poche permet aux soldats d'emporter un souvenir de leurs proches, et vice-versa.

Pour en apprendre plus sur ce trombinoscope, nous vous invitons à jeter un coup d'œil à notre Trésors des bibliothèques et archives de Champagne-Ardenne (p.309) coédité avec La Nuée Bleue. Pour en apprendre plus sur la photographie carte-de-visite, direction la Bibliothèque nationale de France : 

http://expositions.bnf.fr/portraits/reperes/index2.htm

La patience est mère de toutes les vertus

La patience est mère de toutes les vertus

un manuscrit insolite conservé à la Bibliothèque municipale de Châlons-en-Champagne

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, la patience est mère de toutes les vertus...

[Le 22/09/2021]

Et notre protagoniste du jour n'en a certainement pas manqué.

Le document que nous vous présentons est une petite curiosité conservée à la bibliothèque de Châlons-en-Champagne sous la cote Ms 1731. Il s'agit d'un graduel à l'usage de Châlons (un graduel est un recueil des chants grégoriens qui peuvent être chantés à la messe).

Sa petite particularité ? Il a été entièrement recopié à la main en imitant scrupuleusement le livre imprimé. La page de titre reprend les éléments typographiques habituels, et de nombreux culs-de-lampe (ces ornements placés en bas d'un page de fin de chapitre ou de livre) ponctuent l'ouvrage. Tout est minutieusement recopié et imité (les caractères d'imprimerie réguliers, les initiales gravées en début de chapitre...), et ce sur les quelques 367 pages (!) que compte le livre.

Notre héros du jour ? Il signe son œuvre à l'endroit où traditionnellement une page de titre mentionnerait l'adresse bibliographique : à Oger [dans la Marne, aujourd'hui Blancs-Coteaux], par Simon Joachim Descotes dit Lathulipe, garçon vigneron y demeurant , 1778. Puis, et c'est là le détail le plus amusant de ce manuscrit, notre garçon vigneron ajoute la mention "AVEC DE LA PATIANCE, ET OUI" (on n'en doute pas !). Il ne s'agit d'ailleurs pas nécessairement là d'une faute, car l'orthographe évolue encore au XVIIIe siècle.

Pour l'anecdote, cette mention manuscrite pastiche ce qui habituellement sur un imprimé aurait été la mention "Avec privilège du roi". Un privilège est une autorisation exclusive, accordée par une autorité (ici royale), d'imprimer un ouvrage. Il faut savoir que le privilège d'impression tenait autant de la régulation économique visant notamment à protéger l'imprimeur contre les contrefaçons, que d'un instrument de censure visant à assurer au pouvoir un contrôle de la production écrite.

Dans les premières décennies de l'imprimerie en Europe, les livres imprimés vont avoir tendance à imiter les manuscrits avant de trouver leur forme propre. L'inverse est plus rare. Il arrive qu'une page manquante d'un imprimé soit recopiée à la main à l'identique, mais un livre complet c'est une petite curiosité.

A la semaine prochaine !

Site de la bibliothèque municipale de Châlons : https://bm.chalonsenchampagne.fr/patrimoine 

Quand les clowns deviennent pour la première fois un objet d'étude sérieux

Quand les clowns deviennent pour la première fois un objet d'étude sérieux

à la découverte du fonds Tristan Rémy conservé au CNAC.

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, comme promis, nous allons parler des CLOWNS !

[Le 16/09/2021]

Retour au Centre National des Arts du Cirque (CNAC) à Châlons-en-Champagne (voir la publication de la semaine dernière), où est conservé un fonds d'archives de Tristan Rémy, écrivain et spécialiste de l'histoire du cirque.

Tristan Rémy est le pseudonyme de l'auteur Raymond Desprez (1897-1977). Issu d'un milieu ouvrier/cheminot, il est un des promoteurs, aux côté d'Henry Poulaille, de la littérature prolétarienne dans les années 1930, via notamment le groupe des écrivains prolétariens. En résumé, ce sont des auteurs nés de parents ouvriers ou paysans, autodidactes et dont les écrits témoignent des conditions de leur classe sociale. Proche du Parti Communiste, T. Rémy est influencé par le marxisme. Nous restons néanmoins dans des considérations littéraires avant d'être politiques. En 1936, Tristan Rémy remporte le prix du Roman Populiste pour Faubourg Saint Antoine.

Et les clowns dans tout cela, nous demandez-vous avec anxiété ? Nous y venons.

Tristan Rémy est passionné par l'univers du cirque, dans l'étude duquel il va se spécialiser après la Seconde Guerre Mondiale. Il publie le tout premier ouvrage sérieux et érudit consacré aux clowns chez Grasset en 1945 (le CNAC en conserve une édition originale dédicacée). Cette œuvre très fournie fait aujourd'hui référence. Il s'agit d'une étude historique ponctuée d'anecdotes et de détails biographiques et techniques. Pour ses différentes publications, l'auteur a mené de nombreuses recherches, a complié la presse, a mené des interviews des intéressés...

Le fonds est très précieux car peu de sources primaires existent sur ce sujet d'étude, longtemps peu considéré intellectuellement du fait de son caractère populaire, et relativement récent. Rémy a même élaboré une classification raisonnée des disciplines circassiennes.

Le clown est héritier d'une tradition ancienne, notamment celle de la Commedia Dell'Arte. Le clown de cirque moderne naît en Angleterre au 18e siècle. Les cirques équestres emploient alors des garçons de ferme qui ne savent pas monter pour occuper la scène pendant les intervalles. Ceux-ci, dans leurs vêtements paysans et avec leur attitude grotesque créent un contraste comique (parfois à leurs dépens) avec les cavaliers en habits de scène. Le clown au nez rouge, bouffon, aux vêtements burlesques, surjouant l'idiotie, fait lui son apparition vers 1870. Parmi les clowns célèbres dont les noms vous seront peut-être familiers, citons Foottit et Chocolat, les frères Fratellini, Jérôme Médrano, Achille Zavatta, Alexis Grüss, Grock...

Pour l'anecdote, Tristan Rémy a joué son propre rôle de spécialiste des clowns dans le film Les Clowns (1971) de Frederico Fellini. Le fonds comporte de nombreux témoignages de leurs échanges.

Le fonds Tristan Rémy est aujourd'hui inventorié, et Interbibly devrait accompagner prochainement le CNAC pour que le catalogue soit saisi en ligne dans le bon format de description archivistique, et que le fonds puisse ainsi gagner en visibilité.

A la semaine prochaine !

Le premier traité de gymnastique de l'histoire occidentale

Le premier traité de gymnastique de l'histoire occidentale

un trésor conservé au centre de ressources du CNAC

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, chers abonnés, cela promet d'être le cirque.

[Le 08/09/2021]

Littéralement !

La ville de Châlons-en-Champagne abrite une institution assez unique en son genre dans le paysage culturel, le Centre national des arts du cirque / CNAC. A la fois établissement supérieur de formation, de ressource et de recherche, il fut créé en 1985 à l'initiative du Ministère de la Culture.

Cirque : derrière ce mot se cachent à la fois un genre de spectacle, une représentation mais aussi un édifice, une architecture. Le cirque moderne fait son apparition à la fin du 18e siècle, et bientôt des cirques en dur voient le jour. Seuls 8 cirques anciens en dur subsistent en France. Un se trouve donc à Châlons (le Grand Est en compte deux autres, à Troyes et à Reims). Il fut inauguré en 1899 et d'une capacité initiale de 2000 spectateurs -800 actuellement. Aujourd'hui rénové et agrandi, il accueille une partie des locaux du CNAC, dont son centre de ressources et de recherche. Celui-ci dispose d'un fonds de près de 10 000 ouvrages traitant des arts du cirque et englobant toutes les disciplines circassiennes. Cet ensemble public quasiment unique en Europe (notamment pour sa très riche collection de documents relatifs à la magie et aux illusions) lui a valu une labellisation CollEx-Persée (https://www.collexpersee.eu/acteur/centre-de-ressources-et-de-recherche-du-cnac-cirque-et-illusion/).

Dans l'imaginaire collectif, le cirque est immédiatement évocateur de tout un univers : la magie, les jeux d'illusions oui, mais aussi les jongleurs, les clowns, Mr Loyal, les animaux domptés, les saltimbanques... C'est de ces derniers dont nous allons parler. Que les amateurs de clowns de l'assemblée se rassurent, nous allons leur consacrer un prochain billet. 

Le centre de ressources conserve des documents parfois très anciens, dont cet ouvrage qui constitue le tout premier traité de #gymnastique de l'histoire occidentale. Autre fait remarquable, cet ouvrage fonde les principes de la médecine sportive.

Il s'agit de la 6ème édition (1672) du "De arte gymnastica", publié pour la 1ère fois à Venise en 1569. Nous devons cet ouvrage très érudit et richement illustré au médecin italien Girolamo Mercuriale. L'auteur divise la discipline en 3 grands axes : belligérante, athlétique et médicale. Il répertorie les exercices les plus en usage dans le monde antique et les décrit d'un point de vue médical, avec leurs incidences sur la santé -et c'est là quelque chose de tout à fait nouveau.

Si vous êtes curieux d'en apprendre plus sur le cirque et sur les ressources documentaires du CNAC, ce dernier a co-réalisé avec la Bibliothèque nationale de France une Encyclopédie des arts du cirque en ligne : https://cirque-cnac.bnf.fr

A la semaine prochaine !

"Le cirque est un petit bout d'arène close, propre à l'oubli. Un temps plus ou moins bref, il nous permet de ne plus penser à nous, de nous dissoudre dans l'émerveillement et la félicité, d'être transporté de mystère." Henry Miller.

Des impressions qui ont du caractère !

Des impressions qui ont du caractère !

sur les traces de Nicolas Jenson, imprimeur et graveur de caractères typographiques au XVe siècle

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, nous partons à nouveau sur les traces d'un haut-marnais au destin exceptionnel !

[Le 01/09/2021]

Alors effectivement, il s'agit encore un haut-marnais qui n'est pas resté au pays (!). Nous allons parler de Nicolas Jenson, un des grands noms des débuts de l'imprimerie. Tous les ouvrages présentés ici sauf mention contraire sont issus de la collection de la Société Historique et Archéologique de Langres.

Nicolas Jenson, imprimeur et graveur de caractères, est né vers 1420 à Sommevoire, un village de Haute-Marne. On a longtemps situé le lieu de sa naissance par erreur à Langres ou à Tours. C'est toutefois à Venise qu'il va se faire connaître par la grande qualité de son travail. Issu d'une famille aisée, il part à Paris se former à la gravure de monnaies, art dans lequel il se perfectionne vite. Il se place sous la protection de Jacques Cœur, richissime marchand, négociant, banquier et armateur berruyer.

1453 : petit retournement de situation. Jacques Cœur tombe en disgrâce, et le roi Charles VII le condamne à l'exil. Nicolas Jenson quitte Paris. Le voilà arrivé à Tours, où il est nommé maître graveur à l'atelier royal de monnaies. Dans ces années arrivent de Mayence les tout premiers livres imprimés (on les appelle "incunables") qui éveillent l'intérêt du roi. Nicolas Jenson aurait été envoyé sous ordre de Charles VII à Mayence pour y observer et apprendre la nouvelle technique mise en place par #Gutenberg et ses associés.

#espionnageindustriel

Nicolas Jenson y travaille plusieurs années, puis son parcours est incertain mais toujours est-il qu'en 1470 il s'installe à son compte comme maître-imprimeur à Venise, alors un des grands centres d'imprimerie. Il y sera actif une dizaine d'années avant son décès en 1480 ou début 1481. 

ll imprime cette année-là son premier ouvrage, De Evangelica praeparatione d'Eusèbe de Césarée, qui présente des auteurs anciens dont les idées auraient favorisé l'arrivée du christianisme. Il imprime sur tous les sujets, principalement en latin mais aussi en italien. Il s'associe à un autre grand nom de l'imprimerie vénitienne de l'époque, Joannes de Colona, et à eux deux ils deviennent les imprimeurs les plus productifs du marché, et Jenson excelle dans son art. Ils font du livre, et c'est encore nouveau, un outil de communication de masse avec des relais commerciaux dans de nombreuses villes.

Jenson est particulièrement connu pour son caractère typographique romain, souvent considéré comme un des plus parfaits jamais gravés. C'est une écriture très claire et lisible. La facilité de lecture tranche avec le gothique précédemment utilisé. C'est aussi un caractère économique puisque l'encre est chère, et qu'il en minimise la quantité nécessaire. Nicolas Jenson exercera une influence sur les graveurs qui vont suivre, dont Garamond. D'ailleurs, ce caractère vous est sans doute familier, car il a directement inspiré la création de la police de caractère "Times New Roman", réalisée dans les années 1930 par le typographe Stanley Morison pour le journal The Times, et nommée ainsi en hommage au romain de Jenson.

Fait notable, Nicolas Jenson est un des premiers à utiliser une marque d'imprimeur (un dessin gravé utilisé par un imprimeur pour authentifier sa production). A l'époque des incunables on la trouve à la fin des ouvrages, après le colophon, puis progressivement en page de titre.

Le très riche ensemble de la SHA de Langres d'incunables imprimés par Jenson provient de la collection de Joseph Royer, et est conservé au Musée d'Art et d'Histoire de Langres. Nous devons d'ailleurs un peu cela à la croyance erronée selon laquelle Jenson était natif de Langres. Certains des exemplaires présentent des particularités très rares...

...des erreurs d'impression !

Mais ces erreurs sont une mine d'or pour les historiens du livre. Sur un des ouvrages (cf. photos), nous apercevons une trace laissée par un caractère qui s'est coincé entre la feuille et le tympan de la presse (le volet qui se rabat pour maintenir la feuille). Ces traces de la matérialité des caractères sont précieuses car très peu d'originaux sont conservés et encore moins de cette époque. Ils étaient refondus. Sur un autre livre, une tâche d'encre en haut d'une des pages a sans doute été laissée par le système d'épinglage servant à fixer la feuille sur le tympan.

Si vous êtes curieux d'en apprendre plus, Philippe Deblaise lui a consacré un ouvrage publié cette année chez Liralest / Le Pythagore Editions, un éditeur de la Région Grand Est : https://www.liralest.fr/produit/moi-nicolas-jenson-libraire-a-venise-en-1470/

A la semaine prochaine !

A la découverte des papiers dominotés !

A la découverte des papiers dominotés !

Une histoire de ces papiers décorés à partir des collections de près de 20 établissements du Grand Est

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, changement de programme : 1 même thème, mais décliné dans près de 20 institutions différentes.

[Le 25/08/2021]

Nous allons parler des #papiersdominotés !

Le #papierdominoté est un type de papier décoratif particulièrement en vogue dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il s'agit d'une feuille de papier (environ 45 x 36cm) décorée dont le motif a été imprimé à la planche de bois gravée à la main. La feuille peut être ensuite colorée à la main, au pinceau ou plus généralement au pochoir. Ce sont souvent des femmes qui se chargent de cette tâche dans les ateliers. L'aspect artisanal de la technique se décèle dans les imperfections. Les couleurs sont préparées à l'atelier par le dominotier (qui exerce parfois aussi le métier de cartier et/ou imagier) à partir de pigments naturels. Pour l'impression du bois, on utilise surtout le noir, le bleu ou le rouge.

Devinez d'ailleurs quelle couleur était la moins chère à produire (cf. photos). Les autres couleurs sont rajoutées au pochoir dans un second temps. Plus le motif est complexe, et plus il y a de couleurs, plus la valeur du papier augmente -mais cela reste une forme d'art populaire peu onéreux, nous allons y revenir.

Les papiers étaient vendus directement chez le dominotier ou un revendeur, mais étaient aussi diffusés par les colporteurs. En France, la production se concentre à Paris, Orléans, Rouen et quelques autres villes. On en produit aussi en Allemagne et en Italie. Le papier dominoté est en quelque sorte l'ancêtre du papier peint. Il peut être utilisé "au raccord" feuille par feuille pour recouvrir un mur ou des fonds de meubles.

Mais aussi, et c'est l'usage qui nous intéresse, pour recouvrir des livres. Jusqu'au XIXe siècle, les livres ne sont généralement pas vendus reliés. Pour les protéger, on les recouvrait provisoirement d'un papier décoré, qu'on appelle une couverture d'attente. Après l'achat, le client décidait si le livre valait la peine d'être relié en cuir, ce qui était clairement plus robuste mais aussi beaucoup plus cher. Le papier dominoté était d'ailleurs moins cher que le papier marbré. Au XVIIIe, les papiers décorés pouvaient aussi être utilisés comme des couvertures non pas provisoires mais définitives, pour les livres dont on savait pertinemment qu'ils ne valaient pas la dépense d'une reliure en cuir. Citons les almanachs, calendriers, ouvrages de littérature populaire, partitions, pièces de théâtre, lettres, sermons, notes de cours, manuscrits, thèses, procès-verbaux...

Permanent ou temporaire, il était important que les motifs soient attractifs pour attirer l'œil du client. Nous avons d'un côté les motifs géométriques (et même "point de Hongrie"), qui peuvent être plus ou moins minimalistes. Il y a aussi des motifs floraux ou végétaux, soit stylisés et d'une certaine simplicité, soit plus complexes. Motif très en vogue, celui des indiennes, ces tissus importés à partir du XVIIe des comptoirs des Indes puis imités par les manufactures européennes, contribuant à leur essor. La dominoterie suit cette mode.

Proches des papiers dominotés, signalons également les papiers dits "à la colle", réalisés avec une pâte de colle colorée, et les papiers gaufrés métallisés originaires d'Allemagne, imprimés avec des planches de cuivre.

Il est d'usage que le bois gravé porte le nom du fabriquant, la ville où il exerce ainsi que le numéro de la planche. Cette information apparait parfois sur des papiers restés en feuille, ou sur des couvertures ou des pages de garde.

A partir du milieu du XVIIIe siècle, des papiers peints imprimés en rouleau arrivent d'Angleterre, et deviennent en vogue. Des ateliers se développent en France, les dominotés en feuilles ne sont plus adaptés à cette concurrence. Puis l'arrivée à l'ère industrielle des reliures d'éditeurs sonne le glas de cette production. La reconnaissance de la valeur de ces papiers sera assez tardive. La production populaire a longtemps peu intéressé les collectionneurs. L'usage éphémère de ces papiers ne faisant l'objet d'attention que depuis récemment, leur faible coût et leur fragilité expliquent leur rareté et leur état de conservation souvent mauvais.

Ces papiers connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt, et des artisans se remettent à en produire, comme par exemple, près de Mulhouse (chauvinisme Grand Est oblige), la Maison Millet (https://www.maisonmilliet.com/papiers-dominotes-histoire)

Pour terminer, n'oubliez pas de jeter un œil au billet du blog Epitomé de la Bibliothèque municipale de Nancy consacré à leur belle collection de papiers dominotés (https://epitome.hypotheses.org/1718), que vous pouvez retrouver numérisés sur Limédia Galeries (https://galeries.limedia.fr/recherche/...)

A la semaine prochaine !

Un manuscrit très précieux

Un manuscrit très précieux

Livre d'Heures à l'usage de Langres, XVe siècle

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction la bibliothèque municipale de Langres qui conserve un manuscrit TRES PRECIEUX.

[Le 18/08/2021]

Ce n'est pas nous qui l'affirmons, ni le lobby de promotion de l'excellence haut-marnaise, mais le donateur du-dit manuscrit lui-même, M. Guyot de Giey (qui possédait l'ouvrage jusque 1844), dans une longue annotation énumérant les mérites de son présent à la bibliothèque. Il ne liste pas moins de 7 bonnes raisons qui font de ce manuscrit un trésor, de son ancienneté à la qualité de ses décors en passant par l'intérêt historique pour la ville de Langres. Un moins beau s'est d'ailleurs vendu 100 francs rendez-vous compte. Pour un historien du livre, ce genre d'indications peut être précieux, par exemple pour connaître l'histoire d'un document parfois sur plusieurs siècles, ou pour comprendre la manière dont on collectionnait les manuscrits médiévaux dans le passé.

Il s'agit du Ms 4, un Livre d'Heures à l'usage du diocèse de Langres datant du XVe siècle et comportant 151 feuillets et plusieurs belles miniatures.

Puisque nous sommes à la bibliothèque de Langres, profitons-en pour vous faire visiter les lieux. La bibliothèque Marcel-Arland est située dans un bâtiment historique, ancien cloître, témoignage de l'importance passée du chapitre de la cathédrale, la communauté riche et influente de chanoines qui élisaient l'évêque.

Initialement constitué de 4 galeries entourant un jardin, c'était un lieu clôt dévoué au recueillement. L'étage de la galerie sud était occupé par le grenier à dîme. Et la galerie est, reconstruite en 1748, par la bibliothèque du chapitre. A la Révolution, 2 des 4 galeries sont détruites. Après avoir changé plusieurs fois de destination, l'ancien cloître accueille une école primaire jusque 1980, puis enfin la bibliothèque en 1987, après d'importants travaux de restauration. En 1991 enfin, une œuvre contemporaine de l'artiste François Bouillon est installée dans la cour du cloître, dans le cadre du dispositif "1% artistique".

Pour terminer la visite, nous soulignons qu'il s'agit d'une bibliothèque avec vue ! (cf. photos)

A la semaine prochaine !

Site de la bibliothèque de Langres : https://langres-pom.c3rb.org/

Une grande dame qui fête ses 100 ans

Une grande dame qui fête ses 100 ans

La bibliothèque Carnegie de Reims, joyau de l'Art Déco

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, nous allons rendre visite à une grande dame qui vient de fêter ses 100 ans.

[Le 07/08/2021]

La bibliothèque Carnegie de Reims ! 

Amis de l'architecture #artdeco, de l'#architecture et des #bibliothèques ce billet est pour vous !

La bibliothèque municipale de Reims est née des confiscations révolutionnaires. Dès 1897, elle fait partie des 30 premières bibliothèques classées par l'Etat en raison de la richesse de leurs collections patrimoniales (elles sont aujourd'hui 54 dont 7 dans le Grand Est). Pendant tout le XIXe siècle, la bibliothèque est située au 1er étage de l'hôtel de ville. Nous sommes maintenant en 1917. Ceux qui ont suivi le destin des bibliothèques du Grand Est précédemment présentées verront venir le rebondissement habituel de l'intrigue...

...LA BIBLIOTHEQUE PREND FEU.

Le 3 mai 1917, un obus allemand provoque un incendie qui détruit la bibliothèque et 1/3 de ses collections. Heureusement les pièces les plus précieuses avaient été évacuées, et 100 000 documents furent ainsi sauvés.

1918, fin de la guerre. La ville de Reims, dont le bâti a été dévasté à 60%, n'a plus de bibliothèque. C'est ici qu'intervient Andrew Carnegie, industriel milliardaire et philanthrope américain d'origine écossaise. Carnegie (1835-1919), un des hommes les plus riches de son époque, dévoue la fin de sa vie et sa fortune à des œuvres philanthropiques, notamment dans le domaine de la culture (ce n'est de toute façon pas encore l'époque de la conquête spatiale).

Il est à l'origine dès les années 1880 de la construction de pas moins de 2500 bibliothèques portant son nom, dont 1600 aux Etats-Unis. Sans chauvinisme aucun, reconnaissons tout de même que celle de Reims est la plus réussie.

Andrew Carnegie fonde en 1910 la Dotation Carnegie pour la Paix Internationale, qui vise à soutenir les territoires dévastés par la guerre. C'est elle qui dote la ville de Reims de 200 000$ pour reconstruire sa bibliothèque. L'architecte Max Sainsaulieu est retenu pour le projet.

Sainsaulieu conçoit non seulement l'architecture mais aussi le décor et le mobilier, à la fois dans un souci du détail et de la qualité, et dans un souci du fonctionnel. De nombreux artistes et artisans de talent contribuent à ce chef d'œuvre. Le péristyle présente une magnifique porte en fer forgé conçue par les établissements Schwartz-Haumont, et des mosaïques d'Auguste Biret. Clou du spectacle dans le hall d'accueil, un impressionnant lustre, œuvre du rémois Jacques Simon. Le style Art Déco de la bibliothèque lui a valu une médaille d'or lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925. La salle de lecture offre au regard 3 magnifiques baies vitrées et une imposante verrière zénithale créée par le nancéien Jacques Gruber. Autre merveille architecturale pour les nostalgiques de la bibliothéconomie vintage : la salle du catalogue sur fiches.

Vous pouvez aussi découvrir dans les photos le bureau du conservateur/de la conservatrice, toujours parfaitement en ordre ajoutons-nous sans la moindre pression. Vous pouvez l'admirer ainsi que plusieurs autres parties de la bibliothèque habituellement fermées au public lors des Journées Européennes du Patrimoine #JEP2021

La première pierre de la bibliothèque fut posée il y a pile 100 ans. Le bâtiment est inauguré le 10 juin 1928 par le président Gaston Doumergue en présence de l'ambassadeur américain.

En complément de cette petite visite, nous vous invitons à regarder cette vidéo de l'union : lien

Et pour en apprendre plus sur la bibliothèque et ses collections : https://bm-reims.fr/PATRIMOINE/accueil-portal.aspx

A la semaine prochaine !

Un magnifique bréviaire enluminé

Un magnifique bréviaire enluminé

Le Bréviaire de Jean d'Amboise, évêque de Langres, conservé à la médiathèque municipale de Chaumont

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, place au plaisir des yeux !

[Le 28/07/2021]

Nous nous rendons à la Médiathèque les Silos de Chaumont (coucou la Haute-Marne !) pour admirer le très raffiné Bréviaire de Jean d'Amboise, évêque de Langres, réalisé à la fin du XVe siècle probablement en Bourgogne (?).

Pour l'anecdote, il existe deux évêques de Langres consécutifs prénommés Jean d'Amboise, histoire de compliquer les choses. Un de 1781 à 1497 et l'autre de 1497 à 1510. D'après le style des miniatures notamment, il s'agirait plutôt du premier.

Un bréviaire est un livre liturgique comprenant l'ensemble des prières que les religieux de l'Eglise catholique ont l'obligation de dire à certaines heures chaque jour (liturgie des Heures ou Office divin). Le manuscrit (ici le volume 1 qui correspond à la partie d'hiver) s'ouvre sur un calendrier langrois, mettant en valeur les saints et fêtes locales. Un bréviaire contient des rubriques qui régulent les rites à suivre et les fêtes, des psaumes, litanies...

La décoration du bréviaire est d'une grande richesse et d'une rare fantaisie avec les nombreuses drôleries qui en peuplent les marges. On désigne sous le nom de drôlerie ou grotesque ce type de décors hautement fantaisistes en marge du texte, sans aucun rapport avec le sérieux du propos. Leur position hors du cadre et des limites du texte servaient autant à rappeler les hiérarchies sociales et religieuses qu'à simplement divertir. Même si c'est réellement un régal pour les yeux.

Chaque page enluminée est un émerveillement. Ici, une magnifique représentation esthétisée d'un jardin médiéval. Le jardin médiéval, qu'il soit réel ou symbolique, prenait la forme d'un jardin clôt. On y cultive les plantes utiles aux besoins du quotidien. Les plantes y sont ordonnées en espaces cultivés, eux-mêmes limités par des bordures en bois, des plates-bandes, ou des fascines en branches tressées (plessis), que l'on voit bien ici.

Si vous êtes curieux d'en voir plus, le manuscrit a été numérisé sur la Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux (BVMM) de l' IRHT-CNRS : Lien

A la semaine prochaine !

Médiathèque municipale de Chaumont, Ms 32 -et 33 pour le volume 2

Site de la bibliothèque : http://silos.ville-chaumont.fr/flora/

De l'importance du réalisme des illustrations naturalistes

De l'importance du réalisme des illustrations naturalistes

Le De historia stirpium de Leohnart Fuchs, 1542.

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, amis de la nature, nous allons étudier la botanique. 

[Le 21/07/2021]

La Médiathèque de Troyes Champagne Métropole conserve un exemplaire très intéressant d'un ouvrage de botanique novateur de la Renaissance, le De historia stirpium, publié pour la première fois à Bâle en 1542 -c'est ici la première édition latine et le livre est truffé d'annotations et de gravures rajoutées.

C'est l'œuvre de Leonhart Fuchs, médecin et botaniste allemand, professeur de médecine à l'université de Tübingen. Nous pouvons le voir #onfleek en gravure pleine-page avant la page de titre. Nous vous le présentons maintenant car il va quelques fois prendre la parole pour vous expliquer sa démarche.

En quoi consiste ce livre et en quoi est-il novateur ? Il nous faut ici quelques rapides éléments de contexte.

Ce n'est, dans les très grandes lignes, pas avant la Renaissance que s'esquissent les premiers pas de la botanique vers une science moderne. La période voit émerger un intérêt croissant pour la botanique de terrain, l'observation des plantes dans leur milieu en complément de l'étude purement livresque. L'exploration du monde ouvre de nouveaux horizons à la science, notamment la botanique qui voit son objet d'étude considérablement enrichi face à toutes ces nouvelles flores dont l'étude et le classement supposent une méthode renforcée et rationnelle. Même si les universités commencent à mettre en place un enseignement de la botanique qui s'affranchit de la médecine, en 1542 l'étude des plantes est encore largement liée à leur potentiel médical ou économique (plantes teinturières, épices...).

Les ouvrages de botanique sont à destination des médecins et des apothicaires et leur but est donc souvent de présenter les plantes médicinales et leurs vertus. Cependant, dans les manuscrits puis les incunables, les premiers livres imprimés, les illustrations sont sommaires. Sommaires voire fantaisistes. Et puisque l'enjeu est de cueillir la bonne plante pour préparer le remède sans tuer son patient au passage, et que la terminologie descriptive fait alors largement défaut, l'illustration a une importance absolument capitale. Mais elle est pour l'instant nulle dans les grandes largeurs.

Pour vous donner une idée de l'importance d'une bonne détermination sur le terrain, prenez deux plantes de la famille des Apiaceae visuellement proches, Chaerophyllum temulum et Conium maculatum. Le première est inoffensive. La seconde...est la Grande cigüe !

PLOT TWIST : en 1530, Otto Brunfels, botaniste et médecin allemand publie un ouvrage aux illustrations strictement réalistes. Cela marque un tournant majeur. C'est parti pour l'illustration naturaliste de qualité.

L'ouvrage de Fuchs est connu pour ses magnifiques et précises illustrations en pleine page. Laissons la parole à l'auteur :

"En ce qui concerne les images elles-mêmes, chacune est dessinée strictement selon l'aspect d'une plante vivante pour lui ressembler. Nous avons fait preuve d'une grande diligence à nous assurer que chaque plante soit représentée avec ses racines, tiges, feuilles, fleurs, graines et fruits... Nous n'avons pas permis aux artisans de satisfaire leurs caprices au détriment de la correspondance des dessins avec la réalité"

(...)

"Quelle personne saine d'esprit, je le demande, mépriserait une image qui certainement exprime les objets de manière bien plus claire que n'importe quelle description fournie par des mots, même les plus éloquents ? En effet, la nature a fait en sorte que nous soyons tous captivés par les images, et ces choses qui sont représentées et peintes sur des toiles ou du papier sont fixées plus profondément encore dans nos esprits que celles décrites par les simples mots. Il est donc certain qu'il y a de nombreuses plantes qui, bien qu'elles ne puissent pas être décrites par des mots afin d'être identifiées, sont présentées à notre regard sous la forme d'un dessin de manière à ce que nous en saisissions au premier coup d’œil la nature"

C'est même la toute première fois que les artistes sont non seulement crédités pour la qualité de leur exécution mais représentés au travail dans l'ouvrage, illustrant d'après nature -gage de qualité.

Fuchs, en bon humaniste, souhaite un ouvrage illustré compréhensible et basé sur l'autorité des Anciens (Dioscoride, Pline, Galien...). Il décrit près de 500 plantes dont une centaine présentées pour la première fois, et compile les connaissances sur leurs propriétés.

L'exemplaire de Troyes a été annoté manifestement environ un siècle après la publication de l'ouvrage. Il s'agit encore de botanique pré-linnéenne, et certaines gravures rajoutées datent des années 1630. Cela prouve qu'on continuait à trouver de l'intérêt dans ce traité pourtant daté.

Pour terminer cette publication déjà trop longue, nous ne résistons pas au plaisir de partager ce joli passage de l'auteur dans l'épître dédicatoire :

"Je n'ai nul besoin de disserter longuement sur le plaisir et le délice que suscite la connaissance apportée par les plantes, puisque chacun sait bien qu'il n'y a rien de plus plaisant et délectable dans la vie que de se promener à travers les bois, et dans les montagnes et les prairies, enguirlandées et ornées de ces floraisons et herbes variées et exquises, et de les contempler d'un regard admiratif. Ce plaisir et ce délice sont accrus, et pas de peu, quand s'y ajoute la connaissance de l'utilité et des pouvoirs de ces herbes. Car il y a autant de plaisir et de jouissance dans l'apprentissage que dans l'observation." 

A la semaine prochaine !

Site de la bibliothèque de Troyes Champagne Métropole : https://troyes-champagne-mediatheque.fr/

 

Les livres enchaînés

Les livres enchaînés

exemple à la Bibliothèque humaniste de Sélestat

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, Cette semaine, il sera question de livres DANGEREUX.

[Le 07/07/2021]

Je confesse un #teasing un peu exagéré. Nous allons parler aujourd'hui de livres enchaînés, et ce n'est pas du fait de leur dangerosité...mais de leur valeur

La Bibliothèque humaniste de Sélestat conserve un manuscrit contenant une intrigante annotation. L'auteur y indique avoir acheté le manuscrit à un M. Jean Schetzil de Strasbourg et en faire don à la bibliothèque paroissiale de Sélestat, afin qu'il y soit "enchaîné". Et par enchaîné, ce généreux donateur voulait littéralement dire que le livre devait être attaché au rayonnage par une chaîne. Cette pratique remonte à l'époque médiévale, mais ne concernait ni toutes les bibliothèques ni systématiquement tous les livres d'une même bibliothèque.

C'était en outre assez coûteux, et quand on enchaînait des livres on sélectionnait les + précieux, afin d'éviter qu'ils ne soient volés. Cette pratique nous révèle à quel point les livres étaient considérés comme des objets de valeur, intellectuellement mais aussi financièrement.

La pratique disparait durant la Renaissance, à mesure que le livre imprimé se diffuse et que son coût diminue. Les exemples de bibliothèques dont les livres sont toujours enchaînés sont très rares mais il en existe une poignée, par exemple la bibliothèque de la Wells Cathedral en Angleterre. 

La bibliothèque paroissiale de Sélestat s'est constituée à partir de 1452 lorsque le recteur de l'église Saint-Georges, Johannes von Westhuss, fait don de sa collection de manuscrits. Sa générosité en inspira bientôt d'autres. On estime qu'environ 160 volumes de cette bibliothèque paroissiale nous sont parvenus aujourd'hui, ce qui en fait une collection tout à fait remarquable, car peu d'ensembles de ce genre et de cette période ont été si bien préservés.

Cette image de la bibliothèque de livres enchaînés a frappé l'imaginaire collectif, c'est pourquoi nous en trouvons quelques belles représentations de fiction, de Harry Potter à Game of Thrones.

A la semaine prochaine, et gare aux livres qui mordent !

Site de la Bibliothèque humaniste de Sélestat : https://www.bibliotheque-humaniste.fr/

De Langres à l'Orient, voyage sur les pas d'un des pionniers de la photographie

De Langres à l'Orient, voyage sur les pas d'un des pionniers de la photographie

Girault de Prangey, artiste et savant.

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, embarquement immédiat pour l'Orient en compagnie d'un pionnier de la photographie !

[Le 30/06/2021]

Non j'déconne, on range les valises : pour le moment nous restons en Haute-Marne, à Langres. Le 20 octobre 1804 y naît Joseph Philibert Girault de Prangey. Peintre, dessinateur, éditeur d'art, photographe, voyageur, savant, explorateur, son destin va vous étonner :

[Ce billet fait écho à l'exposition qui lui est actuellement consacrée au musée d'Orsay (jusqu'au 11/07), les images qui l'illustrent proviennent de l'exposition, et sont principalement issues des collections de la Bnf ou du Musée d'Art et d'Histoire de Langres]

Girault de Prangey est le dernier descendant d'une ancienne et riche famille de Champagne. Rentier, il dispose de temps et de moyens financiers, qu'il met au service de sa passion pour l'étude, les arts et la préservation du patrimoine. 

Pionnier du sauvetage du patrimoine dans sa ville de Langres, il participe en 1836 à la formation de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Langres, et se bat pour la création d'un musée dans l'ancienne église Saint-Didier, projet qui voit le jour. Nous allons le voir, Girault de Prangey n'ambitionne pas de rester en Haute-Marne toute sa vie, ce qui peut s'entendre dirions-nous si nous étions mauvaise langue. Cependant, ses voyages lointains ne l'ont jamais détourné de cet ancrage local.

S'il démontre tôt des aptitudes artistiques, que ce soit en peinture ou en dessin, c'est son œuvre photographique qui est particulièrement remarquable. Miraculeusement conservé, longtemps méconnu, cet ensemble photographique exceptionnel a récemment fait l'objet d'une redécouverte.

Petit élément de contexte : en 1839 voit le jour le tout premier procédé photographique exploitable commercialement, mis en place par Louis Daguerre : le daguerréotype, dont le brevet est offert au monde par le gouvernement français.

De quoi s'agit-il exactement ?

Pour résumer, un daguerréotype est une plaque de cuivre recouverte d'une couche d'argent sensibilisée à la lumière en l'exposant à des vapeurs d'iode. Après un temps d'exposition assez long, autour d'une demi-heure en général, la plaque est développée. La pratique est complexe et coûteuse, demande de manipuler divers produits chimiques dont du mercure, et produit une photo unique en positif direct, fragile face à la lumière et l'oxydation, à l'aspect miroir caractéristique.

Sans doute formé par Louis Daguerre lui-même, Girault de Prangey maîtrise parfaitement le procédé dès 1841. L'année suivante, il s'embarque avec son matériel pour un "Grand Tour" de trois années qui le mènera à travers tout le pourtour méditerranéen.

C'est lors d'un séjour en Espagne au début des années 1830, et en particulier lors de la découverte du site de l'Alhambra, que nait sa passion pour l'étude savante des sites archéologiques. Sa méthode de travail consiste à étudier les sites et monuments qu'il documente par des dessins et peintures (puis des photos) réalisés sur place, repris ensuite dans de belles publications richement illustrées qu'il finance lui-même. Chose encore novatrice à l'époque, il consacre nombre de ses travaux à l'étude de l'architecture islamique.

Son Grand Tour le mène en Italie, en Grèce, en Egypte, en Turquie, en Syrie, au Liban, à Jérusalem et en Palestine. Certains des monuments et vestiges qu'il documente n'existent plus. Près d'un millier de daguerréotypes de cette période nous sont parvenus.

Girault de Prangey réalise des centaines de vues des sites et monuments, et de manière plus large de tout ce qui attire son œil d'artiste. Il voyage jusque 1851 puis rentre à Langres.

Nous nous doutions de l'anxiété du lecteur à l'idée de perdre de vue la Haute-Marne après toutes ces destinations platement lointaines et exotiques.

Revenons donc à Langres en sa compagnie. Il se retire dans son domaine des Tuaires où il a fait construire une incroyable villa d'inspiration orientaliste, entourée d'un parc de plantes exotiques qu'il y acclimate et d'oiseaux rares qu'il collectionne. Notre ami abandonne le daguerréotype à partir de 1855 pour passer au tirage papier à partir de négatifs sur plaques de verre. Pendant 40 ans, il documente très largement son domaine, qui sera malheureusement détruit dans les années 1920, trente ans après sa mort.

Girault de Prangey, personnalité profondément originale, artiste doublé d'un savant, nous laisse une œuvre d'une grande richesse documentaire et artistique. Le Musée d'Art et d'Histoire de Langres lui consacrera très prochainement une exposition que nous vous invitons vivement à découvrir.

A la semaine prochaine, et sans rancune la Haute-Marne !

Lien de l'exposition au Musée d'Art et d'Histoire de Langres : https://www.musees-langres.fr/actualites/mille-et-un-orients-les-grands-voyages-de-girault-de-prangey-2/

Lien de l'exposition au Musée d'Orsay : https://m.musee-orsay.fr/fr/expositions/article/girault-de-prangey-48514.html

 

Le premier ouvrage en Occident entièrement consacré ... aux chats !

Le premier ouvrage en Occident entièrement consacré ... aux chats !

Un pastiche mal compris qui valut à son auteur une vie entière de moqueries

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, miaou, miaou, miaou... miaou.

[Le 23/06/2021]

Attention, loin de nous l'idée de tomber dans les clichés parce que nous nous adressons à des auteurs, des bibliothécaires ou des archivistes. Maintenant que nous sommes au clair, mettez vos lunettes, serrez votre chignon, nous allons parler CHATS.

La bibliothèque de Châlons-en-Champagne possède un exemplaire du tout premier livre entièrement consacré aux chats et à leur histoire, Les Chats, publié en 1727. Nous devons cette pépite à François-Augustin Paradis de Moncrif (1687-1770), poète et auteur dramatique. Les Chats est devenu son ouvrage le plus célèbre, sans doute bien malgré lui. Pensé comme une satire, Moncrif s'y livre à un pastiche maniéré de la pédanterie de son temps. Le lecteur a droit à la généalogie (parodique) détaillée de la noble lignée de Brinbelle. Vous serez heureux d'apprendre à cette occasion que donner des noms ridicules à ses animaux était déjà une pratique courante il y a 300 ans : le Grand Rouroux ou Blancblanc, Mimy, Grisette, Marmuse, Cafar ... Récit historique, épitaphe, tragédie, poésie... tous les genres y passent et sont allégrement parodiés.

Le petit hic de cette belle histoire, c'est que le second degré de l'ouvrage ne fut pas décelé outre mesure par ses contemporains, et Moncrif subit toute sa vie des moqueries et finit par ne plus trop assumer ce qu'il avait écrit. On se moquait de son ton pédant, et de son choix de sujet peu conventionnel. On peut tout de même penser qu'il avait de manière fort visionnaire anticipé la félinomanie plusieurs siècles avant internet. Voltaire le qualifia d'historiogriffe, et un plaisantin lâcha un chat dans l'assistance le jour où il fut reçu à l'Académie Française. Le pauvre animal apeuré se mit à miauler, et, à la grande mortification de Moncrif, le public reprit aussitôt en chœur les miaulements, ce qui gâchât passablement le sérieux de la cérémonie.

Là où les choses se corsent, c'est que ce qui était conçu à la base comme une parodie donna lieu à de nombreuses parodies. Et devinez ce qui fut publié comme une énième moquerie 10 ans plus tard ? L'Histoire des rats pour servir à l'histoire universelle (1737), publié à ... Ratopolis !

Si vous souhaitez parcourir l'ensemble de cet amusant petit ouvrage, direction Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10485437.image

Salutations et coussinets.

Site de la bibliothèque municipale de Châlons : https://bm.chalonsenchampagne.fr/patrimoine

L'oeuvre folle de l'humaniste strasbourgeois Sebastian Brant

L'oeuvre folle de l'humaniste strasbourgeois Sebastian Brant

Un panorama moralisateur et humoristique des folies humaines à la fin du XVe siècle

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction les Médiathèques de Strasbourg Eurométropole, on vous emmène en croisière !

[Le 16/06/2021]

Alors effectivement il n'y a toujours pas la mer à Strasbourg, et même si la Médiathèque André-Malraux est située le long d'un canal, c'est dans un navire métaphorique que nous allons embarquer.

LA NEF DES FOUS.

Publié pour la première fois à Bâle en février 1494 -période de prédilection des "fous" dans la tradition carnavalesque médiévale- Das Narrenschiff est l'œuvre de Sebastian Brant, humaniste, docteur en droit et poète Strasbourgeois. Long poème pamphlétaire, La Nef des Fous dresse un panorama caricatural des différents types de folies et de vices qui frappent les hommes : avarice, usure, impiété, addiction au jeu, procrastination, excès divers : de boisson, de luxure, de danse, de voyages... 

Le ton est à la fois satirique et moralisateur, le récit se veut autant un sermon qu'un divertissement aux accents de bouffonnerie populaire. L'auteur se dépeint lui-même en fou bibliomane (mais qui sommes-nous pour lui reprocher ce petit travers?). Les comportements contraires à la loi divine et à l'ordre social sont pointés du doigt.

C'est maintenant le moment de plaider coupable, êtes-vous plutôt :

- Bibliomane

- Radin

- Voyageur invétéré

- Roi/Reine du dancefloor

- Le premier à l'apéro

(rayer la mention inutile)

Attention ! pas de 1ère classe ou classe éco sur la Nef des Fous : tout le monde est logé à la même enseigne grâce à une incroyable offre promotionnelle de la nature humaine. Nobles, paysans, marchands, religieux, magistrats, intellectuels, toutes les classes sociales sont du voyage. C'est d'ailleurs le propre du carnaval que de gommer les hiérarchies et les limites, pour mieux s'y plier dès le lendemain. La navigation se fait métaphore du cours de l'existence. Et évidemment le navire court au naufrage. On est clairement plus sur une petite vibe Titanic que La croisière s'amuse. L'auteur fait défiler les faiblesses humaines qu'il condamne pour inviter les lecteurs à se corriger.

L'ouvrage devient rapidement un des best-sellers de la fin du XVe siècle et du XVIe siècle, et ce dans toute l'Europe grâce à de nombreuses rééditions ou traductions en langues vernaculaires. L'exemplaire présent est une édition strasbourgeoise de 1512 (C915).

Rangez votre valise, désactivez Tinder, n'allez pas boire en terrasse, éloignez-vous de la piste de danse et du casino (le propos est très covid-compatible finalement...), et à la semaine prochaine !

Site de la bibliothèque : https://www.mediatheques.strasbourg.eu/medias/medias.aspx?INSTANCE=EXPLOITATION&SYNCMENU=

Lien vers la notice dans le CCFr : https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/ark:/06871/0011014137

Interbibly participe à la Museum Week 2021 du 7 au 13 juin 2021

Interbibly participe à la Museum Week 2021 du 7 au 13 juin 2021

Une manifestation internationale destinée à promouvoir le patrimoine sur les réseaux sociaux

L'art médical de l'accouchement au XVIIIe siècle

L'art médical de l'accouchement au XVIIIe siècle

un manuel pratique et novateur destiné aux sages-femmes

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, âmes sensibles s'abstenir !

[Le 02/06/2021]

Direction la médiathèque de Rethel qui conserve dans son petit fonds patrimonial un exemplaire d'un manuel sur les accouchements plutôt novateur pour son époque.

Le présent ouvrage est la 1ere édition française (1733) d'un manuel d'abord publié à Leyde en 1701, que l'on doit au médecin hollandais Henry de Deventer, considéré comme un des pères de l'obstétrique moderne. Il y compile les connaissances acquises au long de sa carrière médicale. Le manuel est illustré de près de 40 planches gravées scientifiquement rigoureuses présentant les différentes positions du bébé lors de l'accouchement ainsi que les instruments chirurgicaux nécessaires en cas de naissance difficile.

Difficultés qu'on redoute aujourd'hui, mais encore plus à l'époque (!). Car la médecine est alors bien souvent impuissante face aux complications et infections diverses, et de nombreuses femmes meurent ou sont irrémédiablement mutilées en accouchant...

L'obstétrique ne devient une science et une spécialité médicale à part entière qu'à partir des XVIe et XVIIe siècles. Au XVIIIe siècle apparaissent les premières écoles pour sages-femmes, dont la première est d'ailleurs fondée à Strasbourg. C'est à elles que s'adresse l'ouvrage.

Ce n'est cependant qu'au XIXe s. que les conditions sanitaires de l'accouchement s'améliorent de manière significative, avec l'asepsie notamment. La césarienne avant cette période était surtout pratiquée pour sauver l'enfant, mais pas la mère qui avait peu de chances de survivre. La pratique médicale de Deventer était en avance sur son temps dans la mesure où il préconisait un maximum d'éviter l'utilisation d'instruments, et de tenter par tous les moyens de préserver à la fois la vie de l'enfant et celle de la mère (et cela n'allait pas toujours de soi). La publication de ce manuel établit la réputation de son auteur à travers l'Europe, et démontre l'intérêt des médecins (hommes) pour la sécurité -encore toute relative- des accouchements, cet univers alors quasi exclusivement féminin.

A la semaine prochaine !

Site de l'Agora de Rethel : http://mediatheque.agora.opac3d.fr/search.php?action=Accueil

A la découverte du patrimoine encore méconnu d'une des plus anciennes écoles d'ingénieurs de France

A la découverte du patrimoine encore méconnu d'une des plus anciennes écoles d'ingénieurs de France

Le campus châlonnais de l'ENSAM

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, partons à la rencontre des cancres du passé !

[Le 12/05/2021]

Direction le campus châlonnais de l'ENSAM, l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers qui comprend en tout 8 campus et 3 instituts. Elle forme des ingénieurs, chercheurs et cadres de l'industrie et des services, et propose notamment de la formation continue. Châlons-en-Champagne accueille le plus ancien des huit campus d’Arts et Métiers, situé dans des bâtiments du XVIIIe siècle au cœur de la ville.

L'école est créée par un arrêté de Napoléon en 1803 sur les bases de l'école fondée par le duc de la Rochefoucault-Liancourt en 1780, puis est transférée à Châlons en 1806 dans les anciens locaux d'un séminaire, du couvent des Dames régentes et de l'abbaye de Toussaint. Certaines parties et bâtiments de l'école sont classés aux monuments historiques. C'est l'une des plus anciennes écoles d'ingénieurs de France.

La bibliothèque du campus châlonnais conserve un fonds documentaire spécialisé en sciences de l'ingénieur, ainsi qu'un fonds patrimonial d'environ 5000 documents : livres sur l'histoire des sciences et techniques, planches, cours, dessins techniques, photographies anciennes... La bibliothèque est d'ailleurs en cours de réaménagement/déménagement, et le fonds patrimonial sera conservé dans ce qui était autrefois des écuries.

Parmi les documents de ce fonds se trouvent des registres d'anciens élèves de ce qui fut tour à tour école impériale, école royale ou école nationale au gré des changements politiques du XIXe siècle. Ces registres sont des mines d'information sur l'histoire de l'école, le profil et le milieu des élèves au fil des années, l'impact des évènements historiques sur les promotions d'élèves, comme celle de 1917 qui manque à l'appel. L'école est en effet réquisitionnée à des fins militaires, et environ 15% des élèves mobilisables tombèrent au champs d'honneur durant la Première Guerre Mondiale. Ces élèves qu'on appelle les "gadzarts"

Justement, penchons-nous plus en détail sur eux. Nous avons bien sûr les "excellents sujets", ou les "forts bons sujets". Mais on ne va pas se mentir, c'est un peu plus drôle du côté des cancres. Vous serez à cette occasion ravi d'avoir échappé à l'enseignement dans les années 1880, où les punitions allaient de la consigne à la prison en passant par la salle de police. Divers motifs de renvois sont indiqués : "avoir tenu des propos séditieux" (en 1815...), "rayé après désertion", ou le classique "renvoyé pour inconduite". 

Depuis 2009, le réseau documentaire d'Arts et Métiers s'est engagé dans une valorisation de son patrimoine écrit, via notamment sa bibliothèque numérique qui permet de découvrir une sélection de documents en histoire de la pédagogie, en histoire des techniques et en génie industriel.

Vous pouvez la découvrir dans le lien suivant : https://patrimoine.ensam.eu

Une formidable encyclopédie sur les papillons

Une formidable encyclopédie sur les papillons

Papillons exotiques des trois parties du monde, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, retour à la Médiathèque du Grand Verdun pour un peu de lépidoptérologie...

[Le 05/05/2021]

Lépidoptérologie ? 

Il s'agit de la science, liée à l'entomologie, qui se spécialise dans l'étude des papillons.C'est l'étude de leur biologie, éthologie ou écologie, mais aussi de systématique (leur classification) ou encore de faunistique, de l'inventaire des populations...

Aujourd'hui, il va donc être question de plaisir des yeux, mais aussi de science et d'enjeux écologiques à travers un ouvrage publié au XVIIIe siècle : Papillons exotiques des trois parties du monde, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique de Pieter Cramer. Le livre est considéré comme un des plus beaux ouvrages sur les papillons jamais publiés. L'auteur, le marchand et entomologiste hollandais Pieter Cramer, était un passionné qui consacra à cette étude de nombreuses années de sa vie, à partir de ses propres collections puis d'autres. Il n'en vit d'ailleurs malheureusement jamais l'aboutissement car il mourut avant sa publication en 1779. Cramer a personnellement supervisé la réalisation des magnifiques illustrations grandeur nature de l'ouvrage (400 planches gravées sur cuivre et colorées à la main !).

Fait important à noter : il s'agit du premier ouvrage naturaliste consacré aux papillons exotiques réalisé d'après le nouveau système de classification élaboré par Carl von Linné, qui marqua un tournant décisif dans l'étude scientifique de la nature. Linné (1707-78), naturaliste suédois, généralisa le système moderne de nomenclature binominale -largement repris depuis mais c'est lui qui en posa les bases systématiques : on désigne une espèce sous 2 noms, nom générique du genre + épithète spécifique pour l'espèce. Le tout en latin pour la bonne compréhension universelle de tous (en tout cas à l'époque). Ainsi nous sommes des Homo sapiens. C'est le nom scientifique, par opposition à un nom vernaculaire ou d'usage courant. Aussi "Phallus impudicus", "Alopecurus geniculatus", "Gnorimoschema gallaesolidaginis" ou "Caenorhabditis elegans" ne sont pas des insultes ou des choses que la morale réprouve mais des noms scientifiques.

Revenons à nos papillons : décrivant plus de 1500 espèces, apportées aux Pays-Bas par bateau (merci les liaisons commerciales), cet ouvrage est une fabuleuse encyclopédie sur la question. Beaucoup d'espèces y sont décrites pour la toute première fois.

Le saviez-vous ?

 Les papillons présentent une grande diversité évolutive dans leur couleurs et motifs, qui ont des fonctions très diverses : thermorégulation, camouflage contre les prédateurs, reproduction... C'est peu connu, mais les insectes en général représenteraient + de 80% de la biodiversité animale, on en découvre constamment de nouvelles espèces. Pourtant, on estime qu'entre 1 et 2% des insectes disparaissent chaque année. Leur taux d'extinction est 8x supérieur à celui des autres animaux. Pieter Cramer a donc décrit de nombreuses espèces de papillons... qui n'existent plus. Et pourtant les papillons jouent un rôle crucial dans la pollinisation. Beaucoup de plantes ne survivent que grâce à eux. La disparition de ces insectes a un effet dévastateur pour les écosystèmes.

Etudier et comprendre le vivant, comme le font Cramer et tant d'autres depuis des siècles, est primordial pour saisir les enjeux de la préservation de ce patrimoine naturel.

A la semaine prochaine, et chouchoutez la nature ! 

Bibliothèque d'étude du Grand Verdun, 72 360

Site de la bibliothèque du Grand Verdun : http://www.bibliotheques-discotheque-verdun.fr/

Visite de la Médiathèque protestante de Strasbourg

Visite de la Médiathèque protestante de Strasbourg

Une riche collection constituée depuis l'époque de la Réforme

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, un peu de tourisme à la découverte d'une nouvelle bibliothèque historique.

[Le 28/04/2021]

Car une fois n'est pas coutume nous avons bien besoin d'un peu d'évasion (en revanche si vous habitez dans un rayon de 10km autour de cette bibliothèque merci de vous adresser à notre inexistant service client) (mais quand bien même, peut-être ne la connaissiez-vous pas !)

Direction Strasbourg, qui abrite de nombreuses bibliothèques patrimoniales. Dont la Médiathèque protestante que nous vous proposons de découvrir aujourd'hui, située quai Saint-Thomas, et riche d'environ 10 000 ouvrages anciens rassemblés depuis le XVIe siècle, dont 66 incunables. Les origines de la bibliothèque remontent au début du XVIe s., en pleine Réforme protestante strasbourgeoise. Caspar Hedio, théologien et réformateur, fonde un collège dans l'ancien couvent Saint-Guillaume, et y met à disposition une bibliothèque, qui s'enrichit progressivement. En 1660, le bâtiment du vieux couvent est devenu trop vétuste. Le Collegium Wilhelmitanum déménage dans l'ancien couvent des dominicains, où il rejoint la bibliothèque municipale.

***PLOT TWIST***

Le 29 juin 1860, tout le complexe de l'ancien couvent est en proie aux flammes. Les livres de la bibliothèque sont sauvés de justesse. La bibliothèque protestante s'installe dans ses locaux actuels, et la bibliothèque municipale, elle, déménage au Temple-Neuf. Pour l'anecdote, dix ans plus tard, en 1870, lors de la guerre franco-prussienne, les bâtiments quai Saint-Thomas sont épargnés par les bombardements. Par contre, ce n'est malheureusement pas le cas du Temple-Neuf, et des collections de la bibliothèque municipale.

Une salle est aménagée au rez-de-chaussée pour accueillir le fonds ancien de la bibliothèque, la salle Rodolphe Peter, du nom d'un des grands donateurs de la bibliothèque. Les sujets couverts sont variés : de la théologie bien sûr, et notamment de nombreux documents de l'époque de la Réforme, mais aussi de l'histoire, de la géographie, de la littérature, des sciences... On y trouve de nombreux trésors de l'imprimerie. Dont une rarissime et magnifique édition de la Cosmographie de Ptolémée publiée en 1482, et soigneusement peinte à la main.

Pour en découvrir plus, la Médiathèque vous propose une belle visite vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=J-CX9f3nURQ

Site de la bibliothèque : https://www.chapitre-saint-thomas.org/mediatheque-protestante-strasbourg.html

A la semaine prochaine !

Un incroyable faire-part de décès de plus de 8 mètres de long

Un incroyable faire-part de décès de plus de 8 mètres de long

Le rouleau des morts de l'abbaye Saint Benigne de Dijon, XVe siècle

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction la Médiathèque de Troyes Champagne Métropole pour découvrir un ROULEAU DES MORTS.

[Le 21/04/2021]

Le document est bien connu et d'ailleurs nous vous l'avions déjà présenté dans Trésors des bibliothèques et archives de Champagne-Ardenne (2019, coédité avec La Nuée Bleue) Mais nous ne résistons pas au plaisir de le partager à nouveau tant il est incroyable.

Il s'agit du Rouleau des morts de l'abbaye Saint-Benigne de Dijon. Qu'est-ce qu'un rouleau des morts ? C'est une sorte de faire-part de décès médiéval, sous forme de rouleau donc, ici dans une version de plus de 8 mètres de long. Ce rouleau a été réalisé peu de temps après le décès de 2 abbés représentés ici, Etienne de La Feuillée et Pierre Brenot. Le principe ? Un moine avait la mission spéciale d'entreprendre une "tournée" des établissements religieux associés à son abbaye avec le rouleau. Chaque établissement inscrivait sur le rouleau une sorte d'accusé de réception, et un engagement à prier pour les défunts. Le voyage pouvait être relativement long : ici, il s'étend entre les années 1439 et 1441 et pas moins de 135 signatures ont été récoltées.

Une magnifique miniature peinte décore le premier feuillet du rouleau, et nous présente le martyre de Saint Bénigne (vers 270-75). S'il y a bien une chose que ce martyre nous enseigne, c'est qu'en termes de torture on n'est jamais trop perfectionniste : des aiguilles enfoncées sous les ongles, du plomb coulé sur les pieds, le crâne fracassé par 1 barre de fer, le corps transpercé de lances, des chiens affamés prêts à être lâchés, au cas où. Saluons le raffinement...de cette enluminure, craquelée d'avoir été si souvent enroulée

Par sa complétude, son bon état de conservation et la richesse de son décor, cet exceptionnel rouleau des morts est un des plus beaux exemples de cette pratique monastique qui nous soient parvenus.

A la semaine prochaine pour de nouvelles découvertes patrimoniales toujours plus joyeuses !

Site de la bibliothèque de Troyes Champagne Métropole : https://troyes-champagne-mediatheque.fr/

Le luxe éblouissant d'un manuscrit carolingien

Le luxe éblouissant d'un manuscrit carolingien

L'Evangéliaire pourpre d'Epinal

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction la Bmi - Bibliothèques & Médiathèques Intercommunales qui conserve quelques trésors et non des moindres.

[Le 14/04/2021]

La pépite de la semaine nous démontre même que oui, l'habit fait le moine, puisque ce manuscrit est précieux à l'intérieur et ça se voit à l'extérieur (comme les yaourts). Il s'agit du très célèbre évangéliaire pourpre (Ms 265).

Commençons par l'intérieur : le texte, l'Evangile selon Saint Marc, daterait du IXeme siècle, et comme son nom l'indique est copié sur un parchemin teint en pourpre. Il faut savoir que le pourpre a une double connotation impériale et chrétienne, et que c'est une couleur non seulement éminemment symbolique, mais aussi extrêmement luxueuse : dans l'antiquité par exemple, il ne faut pas moins de 10 000 coquillages (murex) pour obtenir seulement 1 gr de pigment pur. Et vous remarquerez que le texte est écrit en lettres d'or, pour un glow-up maximal

Les textes sacrés, bibliques et liturgiques, occupent une place centrale dans la culture carolingienne. La préciosité et le luxe des matériaux employés sont là pour souligner l'importance de la parole sainte, pour se faire le reflet flamboyant de la lumière divine.

Ces manuscrits sont bien sûr extrêmement rares.

Autre preuve matérielle ici du soin apporté à des matériaux qu'on sait précieux : le parchemin des pages de garde (plus tardives) a été réparé, car il ne faut rien perdre. Dans le processus de fabrication du parchemin, la peau est tendue, et il arrive que des déchirures se produisent, sans parler des défauts éventuellement déjà présents sur la peau. Ces déchirures sont alors soigneusement recousues et le fil enlevé + tard -de la vraie chirurgie !

Revenons à nos moutons (paix à leur âme parcheminée). Le manuscrit contient en outre deux enluminures pleine page ajoutées ultérieurement (XVe siècle) représentant Saint Marc et Saint Goery/Goeric -le manuscrit provient du chapitre Saint Goery d'Epinal.

Si l'intérieur du manuscrit ne vous a pas déjà suffisamment ébloui, place à la reliure. Magnifique pièce d'orfèvrerie, elle date quant à elle du XIVe siècle, la plaque d'ivoire gothique très finement sculptée date de la seconde moitié du XIVe. Le manuscrit peut se faire pièce d'apparat à part entière, un objet pensé pour être montré, notamment lors de processions religieuses, et gardé précieusement au sein du trésor de l'église parmi les reliquaires et autres artéfacts sacrés.Les 4 coins supportant les symboles des 4 évangélistes contenaient d'ailleurs des reliques.

Donné (ou restitué) à la ville au XIXe siècle par le marquis de Ludre, le manuscrit a été classé au titre des monuments historiques en 1982.

Pour le consulter en ligne : https://bvmm.irht.cnrs.fr/consult/consult.php?reproductionId=4291

Site de la BMI d’Epinal : https://bmi.agglo-epinal.fr/

Pour en savoir plus sur les manuscripts pourpres : http://expositions.bnf.fr/carolingiens/arret/04_4.htm   

Fastes d'une bibliothèque épiscopale

Fastes d'une bibliothèque épiscopale

Le Palais Rohan de Strasbourg

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, pour changer, direction un musée mais rassurez-vous, il y a des LIVRES ANCIENS.

[Le 07/04/2021]

Nous avons nous aussi hâte de pouvoir voyager à nouveau pour découvrir le très riche patrimoine de notre belle région Grand Est (notamment les musées et monuments historiques), mais en attendant voyageons en images au Palais Rohan de Strasbourg. Ce palais fut construit de 1732 à 1742 d’après les plans de Robert de Cotte, Premier architecte du Roi, pour le cardinal Armand-Gaston de Rohan-Soubise, prince-évêque de Strasbourg. (Oui, c'est une très bonne situation, prince-évêque de Strasbourg). Donc on ne lésine pas sur les moyens. Bâti dans un style classique, et conçu sur le modèle des grands hôtels parisiens, le nouveau palais épiscopal est une merveille et les décors intérieurs sont somptueux. Voyez plutôt la bibliothèque. Malheureusement, la collection originale des livres du Cardinal de Rohan périt en août 1870, lorsque la bibliothèque de la ville, installée dans l'ancien Temple Neuf, fut réduite en cendres sous les bombardements prussiens. De nombreux autres documents furent hélas irrémédiablement perdus lors de cet incendie. Les livres exposés actuellement datent du XVIIe au XIXe s. et ont été achetés pour leurs reliures principalement.

Le musée des Beaux-Arts de la ville s'installa au Palais Rohan en 1889, suivi par le musée Archéologique en 1913 et celui des Arts décoratifs en 1924.

Pour en savoir plus sur la bibliothèque et les autres pièces composant les appartements du Palais Rohan : https://www.musees.strasbourg.eu/les-appartements-du...

A la semaine prochaine !

Complexité de la médecine médiévale

Complexité de la médecine médiévale

Une compilation de textes médicaux datée du XIVe siècle conservée à Reims

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction la Bibliothèque Carnegie de Reims, où il sera question de médecine car on a tous bien besoin de se changer les idées.

[Le 31/03/2021]

Le document du jour date du XIVe siècle. C'est une compilation de divers textes médicaux traduits en latin, qui montrent l'influence de l'héritage grec, byzantin et arabe sur la médecine médiévale. Oubliez tout de suite toute idée d'âge obscur concernant cette époque, les choses sont complexes.

Le saviez-vous ? c'était alors une pratique courante d'examiner (voire de goûter) un flacon d'urine du patient, à la recherche d'indices visuels afin de pouvoir poser un diagnostic. Cette méthode empirique est appelée uroscopie, et nous la voyons pratiquée sur cette enluminure. L'uroscopie remonte à l'antiquité, puis a connu un grand intérêt dans la médecine byzantine, avant de se répandre en Europe grâce aux traductions d'auteurs byzantins et arabes par l'école de médecine de Salerne à partir du XIe siècle. Le texte en question ici est un traité du médecin byzantin Théophile le Protospathaire, "De urinis" (la traduction coule de source) (façon de parler). Les différentes initiales ornées qui ponctuent le texte sont encore garnies d'un taffetas de préservation et les couleurs sont éclatantes. On peut trouver au fil des pages de nombreuses annotations, ainsi que plusieurs manicules, ces mains dessinées dont l'index pointe vers le passage du texte que le lecteur a voulu souligner.

Retrouvez la notice complète du manuscrit (Ms 1003) ainsi qu'un lien vers sa numérisation sur le Catalogue Général des Manuscrits : https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/servlet/ViewManager

Site de la Bibliothèque Carnegie de Reims : https://www.bm-reims.fr/default/bib-carnegie.aspx?_lg=fr-FR

L'imaginaire débordant des drôleries peuplant les marges d'un luxueux manuscrit médiéval

L'imaginaire débordant des drôleries peuplant les marges d'un luxueux manuscrit médiéval

Le bréviaire de Renaud de Bar, évêque de Metz, vers 1302-1305, un manuscrit mondialement connu.

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Le trésor de la semaine est un manuscrit enluminé conservé à la Médiathèque du Grand Verdun, et vous pourriez bien être surpris.

[Le 24/03/2021]

[AVERTISSEMENT] ce manuscrit comporte des scènes d'une rare violence, et vraiment on ne se méfie jamais assez des lapins, surtout en cette période de Pâques.

La pépite du jour est un bréviaire très richement enluminé commandé par Marguerite de Bar, abbesse de l'abbaye Saint-Maur de Verdun pour son frère Renaud de Bar, évêque de Bar, vers 1302-05. Il s'agit de la partie été du bréviaire, la partie hiver se trouve à la British Library. Manuscrit à usage liturgique, le livre était fait pour être utilisé par l'évêque durant les cérémonies. Un bréviaire est un livre à destination des religieux contenant une synthèse des livres servant à l'office, et comportant des rubriques qui règlent les rites et fêtes à suivre. Les manuscrits de Renaud de Bar sont renommés pour la richesse de leurs enluminures, mais encore plus particulièrement celui-ci : blasons, drôleries, lettrines abondent, et chaque nouvelle page offre au regard une multitude de détails amusants. On désigne sous le nom de drôlerie ou grotesque ce type de décors fantaisiste en marge du texte, et sans aucun rapport d'ailleurs avec le propos. Leur position hors du cadre/limites du texte servait autant à rappeler les hiérarchies sociales et religieuses, qu'à divertir. Grand sujet de prédilection des drôleries : la chasse, marqueur fort d'appartenance aristocratique au Moyen Âge. Les lapins sont particulièrement en vogue ici, ainsi que les cerfs et les chiens, parfois aussi des hybridations des trois. Chose amusante, les lapins sont bien évidemment tout autant proie que prédateurs, puisqu'on est dans une optique de renversement de l'ordre établi (tout du moins en images), de travestissement, de déguisement, d'insolence...Les singes sonnent les cloches ou partent en pèlerinage. Les marges à drôleries font la part belle aux animaux, notamment singes et lapins, mais aussi animaux exotiques comme le lion (bien plébiscité ici) voire des créatures totalement imaginaires (mention spéciale pour la catégorie "bretzel" de la chose). Les scènes se font parfois violentes et obscènes, mais toujours ici dans un registre cocasse. Quelques chevaliers en armure pour remonter le niveau toutefois.

Et enfin clou du spectacle, la prise du donjon de Lapinou Ier par une féroce armée de chiens !

Pour terminer, détail intéressant de ce manuscrit : il est inachevé et c'est une mine d'or pour ceux qui étudient la manière dont les manuscrits étaient décorés.

A la semaine prochaine !

Bibliothèque d'étude du Grand Verdun, Ms 107

Lien vers le manuscrit numérisé : https://bvmm.irht.cnrs.fr/resultRe.../resultRecherche.php...

Site de la bibliothèque du Grand Verdun : http://www.bibliotheques-discotheque-verdun.fr/

Quand une bibliothèque patrimoniale se fait aussi musée

Quand une bibliothèque patrimoniale se fait aussi musée

La bibliothèque humaniste de Sélestat, le pari réussi du mariage entre héritage et modernité

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, nous nous rendons à la Bibliothèque humaniste de Sélestat, et la pépite de la semaine n'est pas un document... mais la bibliothèque elle-même!

[Le 17/03/2021]

Dans le paysage des bibliothèques patrimoniales, la Bibliothèque humaniste de Sélestat est une institution originale, à la fois bibliothèque de recherche et de conservation, et musée. Ses racines remontent au Moyen Age, mais elle veille avec soin à s'inscrire dans la modernité. Ses collections les plus précieuses se sont constituées au cours des XVe et XVIe siècle, à partir de la bibliothèque paroissiale fondée en 1452 et de la bibliothèque de l'humaniste Beatus Rhenanus donnée à la ville avant sa mort. Cet ensemble documentaire exceptionnel a été inscrit en 2011 au registre de la Mémoire du monde par l'UNESCO.

Tout en contribuant à l'essor de la lecture publique à Sélestat, la Bibliothèque humaniste se distingue par une mise en valeur précoce de ses collections, ce qui alimente sa vocation muséale dès le XIXe siècle. Depuis 130 ans, une ancienne halle aux blés sert d'écrin à ces trésors. Réaménagée par l'architecte Rudy Ricciotti, la bibliothèque a rouvert en 2018. Elle propose au public une scénographie renouvelée maitrisant parfaitement l'équilibre entre l'ancien et le moderne, et donne à voir à tous livres anciens précieux, objets et contenus numériques.

Dès que la situation sanitaire le permettra (bientôt on l'espère !), nous vous encourageons vivement à visiter ce lieu incroyable dépositaire de plusieurs siècles d'histoire et d'érudition, qu'un parcours permanent ainsi que diverses expos temporaires vous permettront d'admirer de vos propres yeux.

Adje !

Site de la Bibliothèque humaniste de Sélestat : https://www.bibliotheque-humaniste.fr/

Splendeur de l'âge d'or de la cartographie hollandaise

Splendeur de l'âge d'or de la cartographie hollandaise

De Zee-Atlas ofte Water-Weereld, Amsterdam, Pieter Goos, 1666

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction la bibliothèque municipale de Nogent-sur-Seine voguer sur toutes les mers du monde #hissezhaut !

[Le 10/03/2021]

Pieter Goos (1616-75) est à la fois graveur, imprimeur, éditeur et cartographe. Il travaille à Amsterdam en plein âge d'or de la cartographie hollandaise. Son atlas du monde maritime est considéré comme un des meilleurs de l'époque, et un des + beaux. (Jugez plutôt). Surtout s'il est richement aquarellé à la main comme le superbe exemplaire, de provenance inconnue, que conserve la bibliothèque municipale de Nogent-sur-Seine de l'édition originale publiée en 1666 de cet atlas en néerlandais (preuve de la large diffusion de l'ouvrage). La cartographie de l'époque tentait de répondre aux besoins des armateurs hollandais, préoccupés de rentabiliser au mieux leurs routes maritimes. Les Pays-Bas sont alors la 1ère puissance commerciale du monde, en grande partie grâce au commerce maritime. Le fameux "Siècle d'Or" hollandais se caractérise par un remarquable essor artistique et scientifique. A la croisée des arts et des sciences, un atlas tel que celui-ci a une visée aussi bien pratique et utilitaire que purement ornementale. Voire davantage ornementale.

Il constitue aussi bien un outil de navigation à l'intention des pilotes et des marins qu'un livre d'apparat luxueux destiné à orner les bibliothèques des riches gentilshommes qui avaient les moyens de se mettre des paillettes dans la vie.

L'atlas fourmille de détails intéressants, par exemple les outils de navigation que manipulent des personnages qui entourent les cartouches des cartes : compas, arbalestrilles ou bâtons de Jacob... En navigation, le bâton de Jacob servait à calculer l'angle entre l'horizon et un astre pour déterminer la latitude. Son usage sera abandonné au XVIIIe siècle au profit des instruments à réflexion, octant puis sextant. En tout cas en 1666 on est #teamJacob

Particularité de cet atlas à souligner : c'est l'un des tout premiers à représenter la colonie hollandaise établie sur le territoire de ce qui correspond aujourd'hui à New-York, mais à une époque où elle s'appelait encore...la Nouvelle Amsterdam (#malinmalin)

D'ailleurs... Le saviez-vous ? Avant de s'appeler la Nouvelle Amsterdam puis la Nouvelle York au grès des aléas coloniaux, le site actuel de New York fut baptisé Nouvelle Angoulême par le navigateur Verrazzano en l'honneur de François Ier (comte... d'Angoulême).

Autre petite curiosité que vous retrouverez dans beaucoup de cartes dès le XVIe siècle et qui constitue une des plus célèbres erreurs cartographiques de l'histoire : la Californie est une île (!). Il faudra encore un bon demi siècle pour que cette erreur soit définitivement balayée.

A la semaine prochaine et vive le GPS !

Une saga familiale sanguinaire au temps de Charles Martel et de Pépin le Bref

Une saga familiale sanguinaire au temps de Charles Martel et de Pépin le Bref

Une prestigieuse acquisition de la bibliothèque de Metz : La chanson de geste de Garin le Loherain, de Philippe de Vigneulles.

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction la bibliothèque municipale de Metz et méfiez-vous des coups de faucons !

[Le 04/03/2021]

En 2018, la Bibliothèque de Metz a fait une exceptionnelle acquisition : un exemplaire manuscrit (vers 1515-1528) de la chanson de geste médiévale de Garin le Loherain, par Philippe de Vigneulles, une épopée en quelques 15 000 vers, datant de la fin du 12ème siècle.

L'intrigue ? Elle est tout à fait digne des meilleures séries. Cette chanson de geste est considérée comme une des plus sanguinaires du genre : meurtres (comme ici l’assassinat de Garin par Lancelin, évêque de Verdun), rivalités, amours, intrigues, aventures. Tout y est. L'histoire raconte les démêlés d’un duc de Metz et de son lignage avec une autre maison nobiliaire, celle des Bordelais. Familles ennemies, trahisons, guerres. Vraiment tout y est. Et tous les coups sont permis, y compris frapper son ennemi à coup de faucon lors d'une partie de chasse.

En bref c'est LA saga familiale de l'été 1190. Et une très belle acquisition de la ville de Metz avec le soutien du Ministère de la Culture, de la Région Grand Est et de la Direction régionale des Affaires Culturelles.

Bibliothèque municipale de Metz, Ms 1901. Une petite cigogne pour la route et à la semaine prochaine !

 

Site de la bibliothèque minicipale de Metz : https://bm.metz.fr/iguana/www.main.cls?SUrl=accueil

 

560 ans et pas une ride !

560 ans et pas une ride !

Un rarissime incunable conservé à la bibliothèque municipale de Colmar

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction Colmar à la découverte d'un livre qui ne fait pas ses 560 ans. 

[Le 24/02/2021]

LE SAVIEZ-VOUS ?

La bibliothèque municipale de Colmar conserve la deuxième plus grande collection d'incunables en France après celle de la Bibliothèque nationale de France avec quelques 2300 volumes. Un incunable est un ouvrage imprimé avant le 1er janvier 1501 (en occident). Le terme dérive du latin "incunabula' (berceau). Nous sommes dans la toute petite enfance du livre imprimé ! Encore très proches visuellement du manuscrit, les incunables sont imprimés à faibles tirages, et sont parfois enluminés à la main. Un incunable est par définition un trésor de par sa rareté, mais certains sont particulièrement des trésors.

Admirez la fraîcheur de celui-ci !

Il s'agit d'un exemplaire de la Bible à 49 lignes imprimée en 1460 à Strasbourg par Johann Mentelin, ce qui en fait la première Bible imprimée après celle de Gutenberg (connue comme la Bible à 42 lignes) et surtout le tout premier livre imprimé sur ce qui est aujourd'hui le territoire français. Seulement environ 30 exemplaires sont connus à travers le monde, et Colmar en conserve non pas 1 mais 2 dont un qui devait comporter de superbes enluminures si on en croit leur absence.

Pour en savoir plus sur les riches collections de la bibliothèque de Colmar : https://dominicains.colmar.fr/collections

 

Le portefeuille qui prit un éclat d'obus à la place de son propriétaire

Le portefeuille qui prit un éclat d'obus à la place de son propriétaire

Un témoignage matériel du destin brisé de millions d'anonymes de la Grande Guerre

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, nous repartons en 1915, à la rencontre cette fois du journal de Lord Voldemort !

[Le 17 février 2021]

En fait ...non.

Il ne s'agit pas du journal intime de Tom Jedusor mais le teasing se tentait. Ce document conservé aux Archives départementales de la Marne est un témoignage aussi marquant qu'il est tangible des milliers de destins anonymes qui furent brisés lors de la Grande Guerre.

Nous sommes le 2 août 1914. Comme 4 millions de ses concitoyens, René Emile Vattel, un jeune Marnais, est appelé sous les drapeaux suite à la mobilisation générale. En 1915, alors qu'il prend part aux combats dans l'Oise, il est gravement blessé par des éclats d'obus. Comme beaucoup de ses camarades, et pour tenir dans l'enfer des tranchées, le canonnier Emile Vatel garde toujours précieusement sur lui son portefeuille contenant des lettres de sa fiancée ainsi que des photos de ses proches. Le portefeuille prend un éclat d'obus à sa place. Malheureusement, le soldat finit par succomber à ses blessures à la tête le 25 avril 1918. Civils ou militaires, la Première Guerre Mondiale faucha plus de 15 millions de personnes.

Ce document, comme tant d'autres témoignages d’itinéraires ou de parcours familiaux et intimes de la période, a été remis aux archives par des particuliers dans le cadre de la Grande Collecte (https://francearchives.fr/fr/article/26287559).

Vous pouvez retrouver ce portefeuille martyr parmi les quelques 250 docs et objets présentés dans Trésors des bibliothèques et archives de Champagne-Ardenne, coédité avec La Nuée Bleue. Un trésor n'est hélas pas toujours quelque chose de beau, matériellement ou intellectuellement ...

-Pour en savoir plus sur Trésorshttp://www.interbibly.fr/.../con.../patrimoine-ecrit/tresors

-Site des Archives départementales de la Marne : https://archives.marne.fr/ 

Eclats d'obus et livres martyrs

Eclats d'obus et livres martyrs

Les stigmates de la Première Guerre Mondiale à la bibliothèque bénédictine de Saint-Mihiel

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction Saint-Mihiel (55) ... et gare aux éclats d'obus !

[Le 10 février 2021]

Ce ne sont pas vraiment des "trésors" dans le sens habituel du terme que nous vous proposons de découvrir aujourd'hui mais plutôt une série de témoignages de victimes livresque collatérales de la folie des hommes.

Les origines de la superbe bibliothèque bénédictine de Saint-Mihiel remontent à l'époque carolingienne. Elle abrite de riches collections. Mais cette petite ville de la Meuse, qui se situe à 35km de Verdun, n'est pas très idéalement située quand survient la 1ere Guerre Mondiale. Dès le mois d'août 1914, la guerre place Saint-Mihiel sous contrôle allemand. En octobre 1915, un obus français frappe la bibliothèque et endommage considérablement la grande salle ainsi que les documents qui n'en avaient pas été évacués.

Achevée en 1775, la grande salle, sous ses 5 mètres de hauteur, mesure 50 mètres de long soit autant qu'un bassin olympique. Il faudra une bonne dizaine d'années pour la restaurer à l'identique.

On estime à 8000 le nombre d'ouvrages perdus ou volés pendant cette période. La bibliothèque en conserve aujourd'hui environ 9000 dont 74 manuscrits médiévaux et 86 incunables. Certains des livres portent encore dans leur matérialité les traces de leur martyr. 

Fiche de la bibliothèque dans le Répertoire du CCFr : https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/index_view_direct_anonymous.jsp?record=rnbcd:INSTITUTION:12636

Une plongée illustrée dans l'Amérique insurgée

Une plongée illustrée dans l'Amérique insurgée

Le manuscrit de Flohr : journal de bord d'un soldat en pleine Guerre d'indépendance américaine

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous sur Facebook et Twitter découvrir les trésors du #patrimoineécritdugrandest conservés dans les bibliothèques et archives de la région. Cette semaine, direction Strasbourg... et les Etats-Unis !

[Le 03 février 2021] 

Le document de la semaine est un fascinant journal manuscrit rédigé à Strasbourg par le fusilier Georg Daniel Flohr (1756-1826). Que faisait-il en Amérique et que nous raconte-t-il dans son superbe journal illustré ?

Nous sommes au début des années 1780. Une guerre fait rage depuis 1775 entre le Royaume de Grande Bretagne et les Treize colonies d'Amérique du Nord insurgées qui se rebellent et déclarent leur indépendance le 4 juillet 1776. C'est la Guerre d'indépendance des États-Unis.

Le conflit s'enlise et les les insurgés américains se mettent en quête de soutiens étrangers parmi les ennemis européens de la Grande Bretagne. C'est là que la France entre en scène (#lafayette), ainsi que l'Espagne et les Provinces Unies. Et voilà ! par le jeu des alliances diplomatiques notre soldat Flohr, originaire de la province des Deux-Ponts dans le Palatinat, parti prendre part aux combats. Il tient des notes où il raconte au jour le jour son voyage, la traversée en mer, les batailles, les peuples rencontrés...

Flohr rédige son récit à partir de ses observations à son retour en 1787. C'est un document et une source historique passionnants, d'autant plus que les témoignages de première main de simples soldats sont très rares. Le manuscrit comporte une trentaine d'illustrations de sa main.

Georg Flohr finit par repartir aux Etats-Unis pour y devenir pasteur et meurt en Virginie en 1826. Se termine ici notre petit voyage immobile dans le temps et l'espace, à la semaine prochaine !

Site des bibliothèques de Strasbourg : http://www.mediatheques.strasbourg.eu/medias/medias.aspx?INSTANCE=EXPLOITATION&PORTAL_ID=WBCT_WBCTDOC_28.xml

Un petit almanach qui cache un grand texte

Un petit almanach qui cache un grand texte

Naissance strasbourgeoise de la Marseillaise

Chaque mercredi, nous vous emmenons avec nous découvrir les trésors conservés dans les bibliothèques et archives du Grand Est. Fonds remarquables, documents précieux ou inattendus, découvrez et partagez nos pépites sur notre page Facebook et notre compte Twitter ! #mercredipat #patrimoineécritduGrandEst

[Le 27 janvier 2021]

Aujourd'hui, nous jouons à domicile : direction la bibliothèque municipale de Châlons-en-Champagne. Le document de la semaine est un petit almanach du 18e siècle. Qu'a-t-il de particulier ? Tout d'abord sa jolie couverture en papier dominoté. 

Il s'agit de l'édition 1793 de l'Almanach des Muses, une revue poétique fondée en 1765, très en vogue sous l'Ancien Régime et jusque 1833. Cette édition comporte, et c'est une des toutes premières fois, le texte imprimé de la Marseillaise.

LE SAVIEZ-VOUS ?

La Marseillaise a en fait été écrite...à Strasbourg ! Par Claude Joseph Rouget de Lisle, qui n'était au demeurant pas alsacien ni même lillois mais franc comtois de naissance. Pourquoi la "Marseillaise" nous demandez-vous ? La bouillabaisse serait-elle aussi une spécialité en réalité alsacienne ? Nous n'avons pas de réponse à la deuxième question et ne souhaitons pas créer de polémique inutile. Mais nous pouvons répondre à la première.

Nous sommes en avril 1792, en pleine  Révolution Française. L'officier Rouget de Lisle, alors en poste à Strasbourg suite à la déclaration de guerre de la France à l'Autriche, compose ce désormais célèbre chant patriotique. Repris ensuite par les troupes des fédérés marseillais. Ces derniers l'entonnent en entrant aux Tuileries en Juillet de la même année et voilà ! Le chant est adopté comme hymne national une première fois par la Convention, de 1795 à 1804 puis de nouveau à partir de 1879 sous la Troisième République. Une seule interruption depuis 1879, saurez-vous deviner pour quelle raison ?

-Le régime de Vichy était peu fan des références révolutionnaires et préféra remplacer la Marseillaise par "Maréchal nous voilà"

-Pour marquer la (très rare) victoire de la France à l'Eurovision 1977, la chanson lauréate est choisie comme nouvel hymne.

Ce document provient du fonds Jules Garinet, avocat bibliophile châlonnais (1797-1877), un fonds riche de plus de 30 000 documents et donné à la bibliothèque de Châlons par Mme Garinet en 1882 : 

https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/ark:/06871/003212

Site de la bibliothèque municipale de Châlons : https://bm.chalonsenchampagne.fr/patrimoine 

Recevez notre newsletter

Contact ? Appelez-nous : 03 26 65 02 08