3. La musique pour tous

Au XIXe siècle, la musique populaire se développe sous le terme générique d'orphéon. Les premiers ensembles, réunis dès 1820 dans les écoles de Paris sous la direction de Wilhem, se composent de choeurs d'ouvriers et d'enfants. Ils sont rejoints à partir de 1850 par les fanfares et les harmonies.

Les formations instrumentales civiles sont en fait nées à la fin du XVIIIe siècle sur la lancée des musiques militaires. Elles apparaissent dans les villes privées d'une musique régimentaire et vont s'inspirer, sous la Révolution, de celle de la Garde nationale.

Le développement de la qualité des instruments (création du piston rendant accessible la gamme chromatique, son plus homogène) ainsi que l'apparition de nouveaux modèles (clairon en 1822, saxophone en 1840 et famille des saxhorns en 1843) facilitent leur diffusion et permettent d'élargir le répertoire.

A partir du Second Empire, les autorités soutiennent leur expansion : elles voient dans la pratique instrumentale amateur une distraction morale, loin des dangers du parti politique ou du cabaret. Elles veulent ainsi offrir au peuple une initiation à la culture savante et une éducation musicale adaptée. Devenues loisir populaire collectif par excellence, les fanfares et harmonies bénéficient de la construction de lieux de concert spécifiques en plein air, les kiosques à musique, et se rencontrent dans des concours régionaux, nationaux voire internationaux. Elles connaissent leur apogée après 1870, passant de 400 à 8000 entre 1860 et 1908.

Toutefois, au début du XXe siècle, et plus encore après la Première Guerre mondiale, elles vont perdre de leur attractivité : elles ne savent pas adapter leur répertoire aux nouvelles musiques populaires (jazz, tango, etc.), tandis que radio et disques diffusent désormais ce qui était leur vocation première, la musique classique. Parallèlement, les sociétés sportives en plein essor représentent pour leur recrutement une sérieuse concurrence, même si les formations gardent davantage de vigueur en milieu rural.
Après l'intérêt relatif que leur a porté le Front populaire, il faut attendre les années 70 pour que les harmonies et les fanfares retirent le bénéfice de l'action gouvernementale en faveur de la pratique amateur. Les écoles de musique, issues pour une part notable du mouvement orphéonique, leur fournissent des exécutants plus compétents.

Aujourd'hui, après 150 ans d'existence, les harmonies et les fanfares réussissent encore à concilier sociabilité et exigence artistique.